Spanghero Les salariés veulent faire payer à Lur Berri leur licenciement
Par François AUSSEILL - CASTELNAUDARY (France), 30 mai 2013 (AFP) - Les salariés de Spanghero, qui ont le sentiment de payer les pots cassés du scandale de la viande de cheval, ont quasiment perdu tout espoir de voir leur entreprise redémarrer à court terme. Ils se battent désormais pour obtenir de leur employeur Lur Berri des indemnités à la hauteur de ce qu'ils subissent.
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Les 230 employés (selon un récent décompte actualisé par les représentants du personnel) attendent de pied ferme vendredi de nouvelles propositions d'indemnisation de la coopérative basque Lur Berri, malgré les engagements des pouvoirs publics à tout mettre en œuvre pour sauver au moins une partie de l'activité.
Le président François Hollande, en déplacement dans le Sud-Ouest mercredi, a assuré que le gouvernement « ferait tout » pour que les salariés de Spanghero trouvent un repreneur ou, à défaut, bénéficient d'un reclassement « exemplaire ». Ils sont les victimes, a-t-il dit, de comportements « pour lesquels ils ne sont pour rien ».
Spanghero, qui revendiquait 360 salariés avant le scandale, est aux abois depuis qu'elle a été accusée début février d'avoir sciemment revendu du cheval à la place de bœuf à des entreprises produisant elles-mêmes des plats cuisinés comme des lasagnes pour de grandes marques ou de grands distributeurs. Mardi, les salariés de cette entreprise de Castelnaudary (Aude) sont sortis de leurs gonds, abandonnant la retenue et l'abnégation affichées pendant trois mois pour conserver les clients de plus en plus rares d'une entreprise désignée comme un acteur primordial d'un scandale européen.
« Des cachetons pour dormir »
L'administrateur judiciaire venait en effet d'annoncer la suppression de la totalité des emplois et l'ouverture de discussions sur les mesures d'accompagnement de ce Plan de sauvegarde de l'emploi (PSE). Les salariés, en grande majorité ouvriers, s'y attendaient et, pour certains, s'y étaient résolus, faisant part de leur épuisement moral. « Je prends des cachetons pour dormir, comme mes collègues. On n'en peut plus. On a travaillé comme des dingues, on ne compte pas nos heures ici. Tout ça pour en arriver là », se désolait Joël, employé à la saucisserie.
Mais ce qui a provoqué un durcissement très net, c'est la faiblesse, selon les représentants syndicaux, des propositions d'accompagnement des licenciements présentées par Lur Berri. « Personne ne peut accepter ce genre de propositions. C'est nous prendre pour des larbins, presque des esclaves », s'est offusqué Jérôme Lagarde, secrétaire (FO) du comité d'entreprise. Les salariés ont donc bloqué les représentants de Lur Berri et l'administrateur judiciaire plusieurs heures sur le site. Une médiation des pouvoirs publics a débloqué la situation au milieu de la nuit. Mais Lur Berri a dû s'engager par écrit à soumettre d'ici à vendredi midi des propositions sur les trois principales revendications des salariés. Ces derniers réclament le versement de trois mois de salaire par année d'ancienneté, la prise en charge de leur mutuelle santé pendant un an et le versement d'une prime de fin d'année complète.
« Horizon bouché »
Les nouvelles propositions de Lur Berri seront discutées lors d'un nouveau comité d'entreprise le 5 juin à 15 h. Ce délai permettra aussi aux deux repreneurs potentiels actuels de consolider leur projet. Ces deux plans ont été élaborés par des salariés d'un côté, et de l'autre par l'ancien propriétaire et fondateur Laurent Spanghero. Mais les financements en sont encore insuffisants. Laurent Spanghero propose aujourd'hui de conserver 84 salariés en 2013 pour atteindre le nombre de 120 en 2014, et d'ajouter aux activités actuelles de transformation de la viande et de préparation de plats cuisinés la production de « protéines végétales ».
Nombre d'employés et de cadres ne cachaient pas leur pessimisme en cette semaine cruciale. Le ministre délégué à l'Agroalimentaire Guillaume Garot, a dit lui-même « comprendre le désarroi des salariés parce que c'est très difficile, parce que c'est très lourd, parce que l'horizon semble bouché ». Mais « ma responsabilité, c'est de faire en sorte que, jusqu'au bout, on puisse travailler (...) à faire émerger des solutions ».
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